Le
rasoir d’Occam ou
rasoir d’Ockham est un principe de raisonnement que l'on attribue au frère franciscain et
Philosophe Guillaume d'Occam (
XIVe siècle), mais qui était connu et formulé avant lui :
- « Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité » (« pluralitas non est ponenda sine necessitate »).
L'énoncé « Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem », littéralement « Les entités ne doivent pas être multipliées par delà ce qui est nécessaire », est une variante souvent attribuée à Guillaume d'Occam sans cependant qu'il y en ait trace dans ses écrits.
C'est un des principes fondamentaux de la Science.
Fondements du principe
Aussi appelé « principe de simplicité », « principe de
Parcimonie », ou encore «
Principe d'économie », il exclut la multiplication des raisons et des démonstrations à l'intérieur d'une construction logique.
Le principe du rasoir d'Occam consiste à ne pas utiliser de nouvelles hypothèses tant que celles déjà énoncées suffisent, à utiliser autant que possible les hypothèses déjà faites, avant d'en introduire de nouvelles, ou, autrement dit, à ne pas apporter aux problèmes une réponse spécifique, ad hoc, avant d'être (pratiquement) certain que c'est indispensable, sans quoi on risque d'escamoter le problème, et de passer à côté d'un Théorème ou d'une loi physique.
On traduit souvent ce principe sous la forme d'une préférence de l'hypothèse « la plus simple » parmi toutes celles qui sont échafaudées, mais il convient d'approfondir différents points :
- l'hypothèse d'un monde divin décidant des mouvements célestes sans autre loi que sa volonté inconnaissable, est certainement plus « simple » que la loi universelle de la gravitation, et beaucoup plus simple que la théorie de la relativité générale. De même, on peut s'engager dans un débat essentiellement terminologique sur la simplicité relative, selon le contexte, d'une hypothèse par rapport à une autre.
- ce n'est pas (seulement) la simplicité d'une hypothèse qui compte ; étant donné un ensemble déterminé de conclusions, c'est la simplicité (faible Complexité) de l'ensemble des hypothèses faites pour aboutir à ces conclusions. Un bon exemple d'application correcte de ce principe est la recherche (vaine mais fructueuse) de la déduction de ce qui est aujourd'hui le 5e axiome (et non plus le postulat) d'Euclide à partir des 4 premiers.
- l'hypothèse d'un contrôle divin permanent sur les mouvements célestes, paraît simple sous réserve qu'on y postule l'existence d'un Dieu… complexe, mais ne permet aucune conclusion : les choses seront ce qu'elles seront, c'est tout. Louis Pauwels fera remarquer d'ailleurs que « Dieu existe » signifie au sens strict « l'Être existe », et en conséquence « Il y a il y a ».
- la simplicité de l'interprétation en univers multiples d'Hugh Everett, postule de même implicitement un espace de fonctionnement complexe, avec un univers qui ne cesse de fourcher exponentiellement à chaque Temps de Planck. Seules la confirmation ou l'infirmation de prédictions (David Deutsch) permettront d'en établir ou non une réalité physique distincte de ce que donne le modèle de Copenhague. Elle se confond pour le moment avec lui en termes opérationnels.
Digression
Le domaine de travail importe aussi pour effectuer le bon choix. Ainsi, pour la plupart des besoins ordinaires de la mécanique, le système newtonien aboutit aux mêmes résultats que le système relativiste, et aboutit à des
calculs plus simples. Il est donc légitime de la préférer. De même, la
conception géocentrique du monde est, pour se donner rendez-vous quelque part sur Terre, plus simple qu'un modèle faisant intervenir les coordonnées spatiales héliocentriques.
En revanche, il s'agit là de complexité des conséquences et non de complexité des hypothèses, et cela n'a donc pas de rapport direct avec le rasoir d'Occam.
Rasoir d’Occam et science moderne
Le rasoir d'Occam n'est malheureusement pas un outil très incisif, car il ne donne pas de principe opératoire clair pour distinguer entre les hypothèses en fonction de leur complexité : ce n'est que dans le cas où deux hypothèses ont la même vraisemblance (ou poids d'évidence) qu'on favorisera l'hypothèse la plus simple (ou parcimonieuse). Il s'agit en fait d'une application directe du
Théorème de Bayes, où l'hypothèse la plus simple a reçu la probabilité
a priori la plus forte. Des avatars modernes du rasoir sont les mesures d'information du type AIC , BIC ou DIC où des mesures de pénalité de la complexité sont introduites dans la log-vraisemblance.
Par ailleurs, si le rasoir d'Occam est une méthodologie efficace pour obtenir une bonne théorie prédictive, il ne garantit aucunement la justesse d'un modèle explicatif.
Cette nuance entre théorie prédictive et théorie explicative est bien mise en lumière par ce dialogue célèbre :
- Napoléon : Monsieur de Laplace, je ne trouve pas dans votre système mention de Dieu ?
- Laplace : Sire, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse.
- D'autres savants ayant déploré que Laplace fasse l'économie d'une hypothèse qui avait justement « le mérite d'expliquer tout », Laplace répondit cette fois-ci à l'Empereur :
- Laplace : Cette hypothèse, sire, explique en effet tout, mais ne permet de prédire rien. En tant que savant, je me dois de vous fournir des travaux permettant des prédictions .
La science actuelle, quand elle se satisfait de modèles prédictifs, fait bon usage du rasoir d'Occam. Mais utiliser celui-ci pour choisir une théorie explicative est dangereux dans la mesure où une mauvaise théorie explicative peut sérieusement retarder les développements ultérieurs.
« Si un signe n'a pas d'usage, il n'a pas de signification. Tel est le sens de la devise d'Occam. (Si tout se passe comme si un signe avait une signification, c'est qu'alors il en a une) » .
Le principe du rasoir d’Occam dans les oeuvres de fiction
Conan Doyle a souvent mis en pratique ce principe dans les déductions de
Sherlock Holmes.
Dans le film Contact, ce principe est énoncé en « deux choses étant égales, la solution la plus simple est toujours la meilleure ». L'héroïne du film utilise ce principe pour justifier son athéisme mais celui-ci se retourne contre elle : ne pouvant pas apporter de preuve de sa rencontre avec des extra-terrestres, elle doit finalement admettre qu'il faut parfois croire et non savoir. L'héroïne en réalité, a rapporté les preuves : les heures d'enregistrement de la caméra !… mais ce fait est ignoré d'elle comme de l'accusation qui triomphe et masque ainsi la « réalité objective » du « phénomène » !… et le « principe de simplicité » aurait dû fonctionner dans cette fiction tirée d'un roman de Carl Sagan. Ce dernier, qui ne croyait pas à l'existence d'une vie extra-terrestre, a permis d'introduire un zeste de doute à ce sujet dans le film.
David Duncan est l'auteur d'un roman de Science-fiction intitulé Le Rasoir d'Occam, dans lequel il exploite ce principe pour expliquer le passage dans des univers parallèles.
Dans les séries médicales Dr House et Scrubs, on y fait aussi référence pour démontrer que la solution la plus simple est le plus souvent à privilégier.
La série The Big Bang Theory reprend également le terme dans l'épisode 9 de la saison 1 pour privilégier l'hypothèse la plus simple à la présence d'une lettre dans la poubelle (à savoir, quelqu'un l'a jetée).
Une référence se trouve aussi dans une des émissions d'Eurêka!.
Bibliographie
- (en) W.M. Thorburn, « The Myth of Occam's Razor », Mind, vol. 27, 1918, n° 107, pp. 345-353. (Non-paternité d'Occam.) En ligne
- Joël Biard, Guillaume d'Ockham, logique et philosophie, PUF, 1997, 128 pages (ISBN 2 13 0483119)
Voir aussi
- Dan Simmons , rejetant le Rasoir d'Occam au profit d'un axiome inverse : « toutes choses étant égales par ailleurs, la solution la plus simple est généralement une ânerie ».
- H.L. Mencken (journaliste américain) : " Pour chaque problème complexe, il existe une solution simple, directe... et fausse ".
- Les Shadoks : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?! »
- Antoine de Saint-Exupéry : « Dans quelque domaine que ce soit, la perfection est enfin atteinte non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter mais lorsqu'il n'y a plus rien à enlever. »
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Notes et références